Encore un papier sur la condamnation « historique » de Nicolas Sarkozy à de la prison ferme ?! Oui,...
D’atermoiements en lâchetés, la Belgique va-t-elle enfin reconnaitre l’Etat de Palestine le 21 septembre prochain à l’ONU ? A la remorque des engagements français, britannique ou luxembourgeois. L’objectif politique ? Sortir du coma l’impraticable « solution à 2 Etats », faute d’avoir voulu prévenir et empêcher un génocide en Palestine… Insuffisant, mais déjà mieux que le « consensus » européen visant à ne jamais sanctionner Israël ni provoquer l’ire des Etats-Unis. Désormais, au moins 15 pays occidentaux vont reconnaitre l’Etat palestinien. Seule la Belgique pourrait choisir « le mauvais côté de l’histoire »…

Ecrire avec le son de « Life goes on » [La vie continue]. « And I still remember » [Et je me souviens toujours] … Ecrire à nouveau sur Gaza, sa famine, ses morts, ses blessés, ses ruines, son oppression. Analyser, relayer ce que les journalistes palestiniens, tel Anas Jamal Al-Sharif, ont filmé, dit, écrit au péril de leurs vies. A jamais martyrisées par deux mots : colonisation et génocide.
Autant d’abominations qu’en coulisses nos dirigeants européens soutiennent pour ensuite, sous les projecteurs, rivaliser de « réprobations », « condamnations » et autres « préoccupations » sans lendemains. Néanmoins, la mobilisation mondiale de citoyens révulsés par les crimes d’Israël a contribué à ce que le français Macron, le britannique Starmer ou le canadien Carney « lâchent du lest ». A enfin « faire quelque chose » suite à 22 mois d’inhumanité endurés par les Palestiniens. S’annonce ainsi une nouvelle « étape » occidentale à prétention pacificatrice ; même si celle-ci est trop timorée envers Israël pour changer quoi que ce soit à l’horreur du terrain…
Fin juillet, à l’initiative de la France, 15 pays se sont déclarés favorables à une reconnaissance de l’Etat de Palestine. Il s’agit du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Finlande, l’Islande, l’Irlande, le Luxembourg, Andorre, Malte, Portugal, Saint-Marin, la Slovénie et l’Espagne. Parmi eux, cinq pays ont déjà reconnu l’Etat palestinien en 2024 ou avant [Irlande, Espagne, Norvège, Islande, Slovénie] et ont tenu à se joindre à « l’appel collectif » français.

Présenté de façon spectaculaire dans les médias francophones, cet élan diplomatique est surtout très tardif au regard des 148 pays-membres des Nations-Unies ayant déjà reconnu la Palestine, dont plusieurs depuis… 1988 (comme l’Algérie, la Pologne, la Bulgarie, le Vietnam, la Chine, le Sénégal, Cuba, le Cap-Vert ou la RDC).
Car, chacun l’a compris, aux yeux de l’Europe : Israël n’est pas la Russie. Dix-huit « trains de sanctions » UE contre cette dernière depuis 2022 ; zéro « trains », pas même une trottinette électrique, contre Israël. Depuis près de deux ans ; depuis environ 100 000 morts (estimation la plus crédible) gisant sous les ruines ou enterrés à Gaza ; depuis bien plus de blessés, de malades et d’amputés en survie concentrationnaire ; depuis… Quand cesserons-nous de soutenir un génocide ? Apparemment, pas tout de suite.
Au garde-à-vous devant Trump et Netanyahou ?
Inconnu hors des frontières belges (sauf par la télé franco-israélienne néofasciste I24 News), Georges-Louis Bouchez est le président du MR (Mouvement Réformateur). Un parti de droite radicale francophone, plébiscité aux dernières Législatives, qui a formé une coalition gouvernementale – baptisée « Arizona » – avec les séparatistes flamands de la NV-A, majoritaires au nord du pays. Connue par le passé pour sa fibre sociale et un sens du compromis, la Belgique est aujourd’hui dirigée par un « bulldozer », réactionnaire et antisocial, dont Bouchez est le co-pilote francophone aux côtés du Premier ministre flamand Bart De Wever (NV-A).
Sur la reconnaissance de la Palestine, Bouchez – admirateur de Donald Trump et de Nicolas Sarkozy – n’a surpris personne : c’est « Niet ! » « La priorité, c’est la situation humanitaire dans la Bande de Gaza et un cessez-le-feu définitif », a osé le boss du MR qui, en 2024, qualifiait de « coup de génie » l’opération terroriste israélienne tuant et blessant des membres du Hezbollah via l’explosion simultanée de leurs bippers ;
bilan : 12 morts, dont 2 enfants, et plus de 3000 blessés.

« La reconnaissance de la Palestine ne permet ni d’améliorer la situation humanitaire, ni un cessez-le-feu voire les rend plus compliqués, car elle raidira encore la position israélienne », conclu Bouchez. Opposée à cette lecture pro-israélienne et trumpiste, les trois autres formations du gouvernement Arizona (CD&V, Vooruit et les Engagés) soutiennent la reconnaissance de la Palestine et l’adoption de sanctions contre Israël à l’échelle européenne. Résultat : une réunion parlementaire « exceptionnelle » a été convoquée pour ce 14 août !
A la sortie, la Belgique devrait parler d’une seule voix… ou à nouveau « jouer la montre ».
In fine, soit le barde « Assurancetourix », aka Georges-Louis Bouchez, est bâillonné et ligoté à un arbre tandis que le gouvernement belge rejoint l’appel collectif de la France. Soit l’histrion trumpiste et son patron De Wever parviennent à placer le plat pays « du mauvais côté de l’histoire » ; autrement dit : sur un axe pétainiste de collaboration sans faille aux génocide et crimes de guerre perpétrés par Israël…
Reconnaissance floue du Luxembourg
Au grand-Duché, c’est Xavier Bettel (DP), ministre luxembourgeois des Affaires étrangères – notamment connu pour avoir, à lui seul, fait différer la prise de sanctions européennes contre le Rwanda et sa milice terroriste M23 – qui « gère » le dossier brûlant du Proche-Orient.
Le 24 juillet, Bettel a déclaré que « le Luxembourg a aujourd’hui la tendance positive de reconnaître en septembre l’État palestinien ». Mais à certaines conditions dont la « démilitarisation » des forces armées palestiniennes.
Une exigence occidentale déjà rejetée par le Hezbollah libanais et qui se heurtera, très probablement, au même refus de la résistance armée palestinienne (Hamas, FPLP, Brigade des Martyrs d’Al-Aqsa, etc.) ; à plus forte raison, après 2 ans de guérilla sans précédent contre un Etat surarmé, pratiquant l’expansionnisme colonial, disposant de l’arme nucléaire et à qui – bien entendu – personne ne demande de « désarmer »…

Au fond, le Luxembourg semble se placer dans les roues de Macron et Starmer. Les deux chefs d’Etat plaidant pour la reconnaissance d’un Etat Palestinien sous « conditions anti-Hamas » ; histoire de déforcer l’accusation du gang Netanyahou selon laquelle reconnaître l’Etat palestinien serait « faire le jeu du Hamas ».
Pour prolonger le sujet, Finkape Roots a interviewé, ici, Martine Kleinberg, présidente et cofondatrice de Jewish Call for Peace et militante pour la paix entre Palestiniens et Israéliens depuis 2003. Selon cette
brillante experte et activiste : « la position du Luxembourg n’est ni courageuse ni originale ».
L’Allemagne ou les fissures de l’emprise israélienne
Premier partenaire commercial européen d’Israël, l’Allemagne totalise près de 20% du commerce d’Israël avec l’Union Européenne ; ce qui la situe bien devant des pays comme la France ou l’Italie qui commercent aussi avec l’Etat colonial et génocidaire.
Sur le plan militaire, Berlin est le second fournisseur d’Israël après les États-Unis. Les livraisons allemandes recouvrent des sous-marins, des systèmes de défense aérienne ou des technologies pour chars d’assaut. Selon The Financial Times, depuis octobre 2023, l’Allemagne a fourni environ 500 millions de dollars d’armes à Israël…
Cependant, l’effroyable dégradation humanitaire dans la bande de Gaza, la famine organisée fustigée par les ONG et la multiplication des crimes de guerre israéliens ont commencé à fissurer le consensus pro-sioniste, hérité aux lendemains de la seconde guerre mondiale et du génocide juif. « Le gouvernement allemand est toujours pro-israélien, mais nous assistons à un changement », estime le sociologue Meron Mendel,
directeur du Centre Anne Frank à Francfort, au micro de la BBC.

Est-ce dans ce « changement » qu’il faut analyser la récente (et partielle) suspension d’armes allemandes vers Israël décidée par le Chancelier Friedrich Merz (CDU) ? S’il n’est pas question pour l’Exécutif allemand de reconnaitre un Etat palestinien en septembre prochain, Merz a dû lire la tardive « prophétie » de Josep Borrell, ex-chef de la diplomatie UE (2019 – 2024), publiée le 1er août dans The Guardian :
« Ceux qui n’agissent pas pour mettre fin à ce génocide et à ces violations du droit international, alors qu’ils en ont le pouvoir, s’en rendent complices. C’est malheureusement le cas des dirigeants de l’Union européenne et de ses États membres […] Les dirigeants de l’UE et de ses États membres seront probablement appelés à rendre des comptes à l’avenir pour leur complicité dans les crimes contre l’humanité commis par le gouvernement Netanyahou ».
On le sait, sans le ferme concours de l’Allemagne, l’UE ne sanctionnera jamais Israël. Les optimistes espèrent que ladite suspension d’envoi d’armes préfigure un premier pas allemand dans la direction des sanctions.
Et c’est ici que Cunnie Williams revient fredonner à nos oreilles :
« Something’s pulling me unknown gravity /
[Quelque chose me tire vers une pesanteur inconnue]
In a world where life’s not guaranteed… /
[Dans un monde où la vie n’est pas garantie]
Do we know what is our destiny? /
[Savons-nous quelle est notre destinée ?]
Hope was all we had /
[L’espoir était tout ce que nous avions]
Sometimes life was bad… /
[Parfois la vie était dure…] »
Quant à Gaza…
Aussi vrai que les largages aériens de nourriture sur Gaza sont « dérisoires, humiliants et dangereux »,
dixit Elie Barnavi et Vincent Lemire, l’agitation occidentale autour d’une reconnaissance de la Palestine
ne constitue pas une réponse à la hauteur de la barbarie coloniale israélienne ; pas à la hauteur d’une famine organisée contre 2 millions d’êtres humains enfermés et bombardés ; pas à la hauteur d’un carnage infantile démentiel dépassant toutes les ignominies guerrières jamais enregistrées ; pas à la hauteur du courage de cette minorité israélienne et ces familles d’otages du Hamas qui manifestent contre la « guerre sans fin » de Netanyahou, ses sbires et leur parrain nord-américain.
Pas à la hauteur, enfin, du nouvel assassinat ciblé de six journalistes palestiniens perpétré, le soir du 10 août, à Gaza city. Tandis que ceux-ci travaillaient sur leur prochain bulletin d’informations, dans une tente, en face de l’hôpital Al-Shifa ; selon l’habitude prise par les journalistes gazaouis de se regrouper près des hôpitaux pour bénéficier de meilleures connexions à l’électricité et Internet…
La tente des journalistes d’Al Jazeera a été délibérément visée par un drone israélien vers 23h45. Au nombre des victimes : les correspondants Anas Jamal Al-Sharif (28 ans) et Mohammed Qreiqae (33 ans), leurs cameramen, Ibrahim Zaher (25 ans) et Mohammed Noufal (29 ans), mais aussi le journaliste et le cameraman indépendants Mohammad al-Khaldi et Moamen Aloua. Ce qui porte à six le nombre de journalistes et techniciens assassinés ce soir-là à Gaza et… alourdi le bilan macabre – hallucinant – de plus de 250 professionnels des médias tués par Israël depuis le 7 octobre 2023.

Nous vous épargnerons les « preuves » bidonnées par l’armée israélienne pour justifier cet énième massacre « démocratique ». Une propagande qui ne mérite que mépris et le renvoi vers Irène Khan, Rapporteure spéciale des Nations-Unies. En juillet dernier, sur X, le journaliste Al-Sharif était déjà accusé par l’armée israélienne d’appartenir à la branche militaire du Hamas : la Rapporteure Khan avait jugé l’accusation « infondée », puis qualifiée « d’attaque flagrante contre les journalistes ».
Se trouvant à proximité du point d’impact de la frappe israélienne, Mohammed Qeita, journaliste indépendant, a déclaré à Al-Jazeera : « Je n’étais pas seulement témoin de l’événement, j’en faisais partie… Le feu était très fort. Même maintenant, je n’arrive pas à y croire. Nous savions qu’Anas était la cible… Il était notre voix. »
Avant son assassinat, Al-Sharif a confié aux soins de ses proches son testament destiné à être diffusé. La plupart des médias occidentaux se sont contentés d’en relayer la première phrase. Pourtant, les paragraphes suivants offrent tout autant d’intérêt public :
« J’ai vécu la douleur dans ses moindres détails, j’ai goûté à la douleur et à la perte à maintes reprises, et malgré cela, je n’ai jamais hésité à dire la vérité, telle qu’elle est, sans falsification ni déformation.
Qu’Allah soit témoin contre ceux qui sont restés silencieux et ont accepté notre massacre ; contre ceux qui ont retenu leur souffle et dont le cœur n’a pas été touché par les restes de nos enfants et de nos femmes ; et contre ceux qui n’ont pas mis fin au massacre que notre peuple subit depuis plus d’un an et demi.
Je vous confie la Palestine, le joyau de la couronne des musulmans et le battement de cœur de chaque personne libre dans ce monde. Je vous confie son peuple et ses jeunes enfants opprimés, qui n’ont pas eu le temps de rêver et de vivre en sécurité et en paix. Leurs corps purs ont été écrasés par des milliers de tonnes de bombes
et de missiles israéliens, déchirés, et leurs restes ont été éparpillés sur les murs.
Je vous exhorte à ne pas vous laisser réduire au silence par les restrictions, ni à vous laisser freiner par les frontières. Soyez des ponts vers la libération du pays et de son peuple, afin que le soleil de la dignité et de la liberté brille sur notre pays usurpé. »
… but Life goes on / [mais la Vie continue]
And I still remember / [Et je me rappelle toujours]
Life goes on / [La vie continue]
Cold days in december / [Les jours froids de décembre]
Life goes on / [La vie continue]
Praying things get better /
[Priant que les choses aillent mieux]
Life goes on / [La vie continue]
Knowing everything must change.
[Sachant que tout doit changer]
Olivier Mukuna
© Finkape Roots

Diplômé d’un Master en Journalisme et Communication de l’Université Libre de Bruxelles (ULB, 1997), le journaliste et essayiste Olivier Mukuna a travaillé pour une quinzaine de médias belges, français et luxembourgeois et signé plusieurs productions audiovisuelles. Il est spécialisé dans les thématiques liées au racisme systémique, aux questions décoloniales et à l’actualité sociopolitique des citoyens afro-descendants en Europe.
Related Posts
Invisibilisé dans les médias mainstream US et européens, le décès d’Assata Shakur, survenu le 25 septembre, continue de produire...
L’assassinat du leader d’extrême-droite US a provoqué une déflagration en Occident. Aux Etats-Unis, elle a accéléré une chasse aux...