S’installant très lentement dans le débat européen, la notion de charge raciale se heurte encore aux préjugés et amnésies opportunes....
Encore un papier sur la condamnation « historique » de Nicolas Sarkozy à de la prison ferme ?! Oui, mais avec un coup de projecteur sur celles auxquelles le délinquant a toutes les chances d’échapper de son vivant…
Récapitulons. A distance de l’hystérie médiatique française autour d’une décision qui suggère, d’abord, un retour de confiance en l’institution judiciaire et dans le principe républicain d’égalité de tous devant la loi. De tous ? Apparemment : cinq ans ferme pour « association de malfaiteurs » à l’encontre du multirécidiviste Sarkozy, globalement plombé par… 12 procédures (5 gagnées, 3 condamnations et 4 affaires en cours) depuis la fin de son mandat présidentiel (2007-2012).
Si ce taux hallucinant de suspicion judiciaire envers la « probité » d’un ancien chef d’Etat pose (de furieuses) questions, que dire des procès et condamnations qu’il a toutes les chances d’éviter ? Nous pointons ici le caractère criminel massif des agressions militaires françaises contre la Libye et la Côte d’Ivoire, ordonnées en 2011 par « l’hyperprésident » ; pour reprendre l’euphémisme soumis de la majorité des médias de l’époque.
Lancée, sous mandat onusien avec renfort de l’OTAN, le 19 mars 2011, la guerre libyenne de Sarkozy est un dossier qui « pèse » entre 15 000 à 30 000 morts libyens – tués entre le 2 mars et le 31 octobre 2011. Parmi eux, l’assassinat de Mouammar Kadhafi : une « cible » absente de la résolution des Nations-Unies qui avait autorisé l’usage de la force uniquement pour « protéger les populations civiles ». Il s’agit donc d’un crime de guerre basé sur de faux prétextes, telles les fallacieuses « armes de destruction massive » en Irak, agitées avec succès en 2003, pour mieux renverser Saddam Hussein.
Une réalité documentée par nombre d’ONG et plusieurs médias indépendants dont l’hebdo français Politis pour qui « la guerre à la Libye […] était politiquement illégitime et entache toujours notre pays. Cette guerre aussi devra bien, un jour, être éclairée. »
Cela fait 14 ans qu’on attend, de ce côté-ci de la Méditerranée, on pourra encore patienter… En revanche, il y a clarté absolue sur les « merveilleux » résultats de l’intervention française : après l’assassinat illégal de Kadhafi, la destruction de l’État libyen – un des pays les plus riches d’Afrique « revenu 50 ans en arrière » – a débouché sur une guerre civile sans fin entre tribus libyennes ; sur la réactivation de l’esclavage négrier visant les migrants du continent et sur l’actuelle déstabilisation terroriste de la région du Sahel, impactant le Mali, le Burkina-Faso ou le Niger…
Pour le coup d’État contre la Côte d’Ivoire du président élu Laurent Gbagbo, la méthode du voyou Sarkozy sera encore plus « décomplexée ». Comme nous l’écrivions, en temps et en heure en 2011, à rebours de la propagande médiatique francophone que les télégraphistes sarkozystes diffusaient au lieu de tenter de faire du journalisme :
« Lorsque le Conseil constitutionnel ivoirien n’a pas reconnu Alassane Ouattara comme président, en démocrate cohérent, le candidat malheureux devait se retirer. Son parrain Sarkozy, qui avait lui-même souligné le rôle décisif du Conseil constitutionnel, aurait dû, en démocrate cohérent, reconnaître la victoire de Laurent Gbagbo. Enfin, l’ONUCI ne pouvait faillir à son devoir d’impartialité au bénéfice de Ouattara. Mais dès qu’il s’agit de contrôler les richesses de la Côte d’Ivoire, tout ce « beau monde » n’est plus démocrate et retrouve ses pulsions coloniales. Donnant libre cours aux coups tordus, à la propagande et à l’agression militaire d’un pays membre des Nations-Unies. »
Résultat : plus de 3000 morts ivoiriens entre fin décembre 2010 et avril 2011 ; l’enlèvement de Laurent Gbagbo pour être embastillé au Tribunal de La Haye sur ordre de Sarkozy ; l’ex-président ivoirien devant se dépêtrer, durant 10 ans [2011-2021], d’une farce judiciaire l’accusant de « massacres » et autres « crimes contre l’Humanité » imaginaires. Relaxé et libéré, Gbagbo reviendra en 2022 dans son pays, mais reste fermement écarté du pouvoir par l’ex-protégé de Sarkozy, Alassane Ouattara, dictateur de la Côte d’Ivoire depuis près de 15 ans.
« Héritière peu repentante de la Traite négrière, actrice d’un interminable colonialisme, assumé ou masqué, la France de Sarkozy est définitivement entrée dans l’Histoire. », écrivions-nous en 2011. « Et poursuit avec morgue ses mystifications et massacres rentables afin de conserver la rente de pillage de son pré carré ». Avec ensuite, aux manettes de l’Elysée, les successeurs François Hollande, puis Emmanuel Macron.
Certes, les crimes coloniaux de Sarkozy indiffèrent largement les citoyens français ; ainsi que la majorité des médias qui désinforment sur le sujet ou établissent des hiérarchies entre les victimes selon leur degré de mélanine.
À l’heure où le droit international végète dans le coma, à l’Est du Congo et à Gaza, ou sert de papier-toilette à l’Etat génocidaire d’Israël, Sarkozy – en prison ou non – possède toutes les cartes pour ne jamais devoir répondre de ses crimes africains, aux conséquences meurtrières toujours d’actualité…
Olivier Mukuna
© Finkape Roots
Diplômé d’un Master en Journalisme et Communication de l’Université Libre de Bruxelles (ULB, 1997), le journaliste et essayiste Olivier Mukuna a travaillé pour une quinzaine de médias belges, français et luxembourgeois et signé plusieurs productions audiovisuelles. Il est spécialisé dans les thématiques liées au racisme systémique, aux questions décoloniales et à l’actualité sociopolitique des citoyens afro-descendants en Europe.
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